Théorie de la décision
La théorie de la décision étudie comment les agents - qu’il s’agisse d’individus, d’entreprises ou d’institutions - prennent leurs décisions, en mobilisant des méthodes mathématiques et statistiques. Elle propose un cadre structuré permettant d’identifier l’option la plus rationnelle face à l’incertitude ou au risque. Son principe fondamental est que, parmi l’ensemble des actions possibles, un agent rationnel choisit celle qui maximise l’utilité espérée.
La théorie de la décision offre une approche rigoureuse et quantitative de la prise de décision rationnelle en contexte d’incertitude. Si elle ne supprime pas le risque, elle permet néanmoins de l’aborder de manière systématique et réfléchie, améliorant ainsi la qualité des choix tant dans la sphère personnelle que professionnelle.
La fonction d’utilité et la fonction de perte sont des outils essentiels pour évaluer et comparer rationnellement différentes alternatives. Une décision est jugée préférable lorsque l’utilité espérée excède la perte attendue.
Les fonctions d’utilité et de perte
À chaque décision \( d_x \) sont associés un niveau d’utilité et une probabilité de succès (fonction d’utilité).
- Utilité \( U_x \) : mesure le bénéfice ou la satisfaction obtenue à partir d’un choix donné.
- Probabilité de succès \( p_x \) : exprime la probabilité que le choix aboutisse au résultat souhaité.
Les décisions sont également exposées au risque, c’est-à-dire à la possibilité d’événements négatifs (pertes ou désutilité), représentée par la probabilité d’occurrence d’un échec (fonction de perte).
- Conséquences négatives \( C_x \) : représentent les pertes ou la désutilité engendrées par la décision.
- Probabilité de risque \( q_x \) : indique la probabilité qu’un événement défavorable se produise.
Un agent rationnel n’envisagera une décision que si l’utilité espérée dépasse la perte attendue. Toutefois, la stratégie adoptée dépendra de l’appétence au risque de l’agent.
Exemples pratiques
Exemple 1 : Décision d’investissement
Un investisseur doit choisir entre deux opportunités :
- Investissement A : rendement espéré \( U_A = 10 000€ \) avec une probabilité \( p_A = 0,8 \).
- Investissement B : rendement espéré \( U_B = 15 000€ \) avec une probabilité \( p_B = 0,5 \).
Calcul des utilités espérées :
- \( EU_A = 10 000 \times 0,8 = 8 000€ \)
- \( EU_B = 15 000 \times 0,5 = 7 500€ \)
L’investisseur choisira l’Investissement A, car il présente une utilité espérée plus élevée.
Exemple 2 : Évaluation du risque
Un entrepreneur envisage de lancer un nouveau produit :
- Bénéfice espéré : \( U = 50 000€ \)
- Probabilité de succès : \( p = 0,6 \)
- Perte attendue en cas d’échec : \( C = 20 000€ \)
- Probabilité d’échec : \( q = 0,4 \).
Utilité nette espérée :
- \( EU = (50 000 \times 0,6) - (20 000 \times 0,4) = 30 000 - 8 000 = 22 000€ \).
Le lancement du produit constitue un choix rationnel, car la valeur espérée nette est positive.
Prise de décision en contexte de risque et d’incertitude
La théorie de la décision distingue clairement le risque de l’incertitude.
- Risque : les probabilités des résultats sont connues et mesurables.
- Incertitude : les probabilités des résultats sont inconnues ou difficiles à estimer.
Cette distinction implique des stratégies de décision différentes. Un individu aversif au risque privilégiera des options minimisant les pertes potentielles, tandis qu’un individu en quête de risque sera enclin à choisir des alternatives offrant des rendements plus élevés, au prix d’une plus grande incertitude.
Par exemple, dans un environnement incertain, un agriculteur pourrait opter pour la culture d’une variété résistante à la sécheresse - même si son rendement est inférieur - afin de limiter le risque de perte totale.
Origines de la théorie de la décision
Les fondements de la théorie moderne de la décision sont largement attribués à Abraham Wald, qui a introduit la prise de décision statistique sous incertitude, ainsi qu’à John von Neumann et Oskar Morgenstern, dont les travaux sur la théorie des jeux et l’utilité espérée ont été déterminants. Leurs recherches, menées au cours de la première moitié du XXe siècle, ont profondément influencé l’économie, les statistiques et la psychologie cognitive.
De nos jours, la théorie de la décision est largement appliquée : en économie, pour modéliser les choix de consommation, les stratégies d’investissement et les politiques monétaires ; en ingénierie, pour la gestion des risques de projet et l’optimisation de systèmes complexes ; en sociologie, pour analyser les comportements individuels et collectifs, entre autres domaines.
